Êtes-vous vivants ?

IMAGINEZ que vous passiez l’aspirateur et tout d’un coup, vous voyez de la fumée sortir. Vous vous précipitez sur la prise de courant pour débrancher. C’est un réflexe que nous avons tous, je pense. Quand nous perdons le contrôle de quelque chose, on réagit immédiatement en essayant de l’arrêter. C’est plutôt un bon réflexe pour votre aspirateur, mais qu’en est-il au niveau émotionnel ? Est-ce que se déconnecter de ses émotions est une bonne idée ? Non.

Nos émotions sont parfois lourdes à porter. Et lorsque nous sommes épuisés de porter toute cette tristesse, la tentation est trop grande. Bien que ce soit inconscient, nous avons pour réflexe de refouler la douleur, qu’elle soit d’ordre physique ou émotionnel. Nous ne supportons pas de souffrir, et même, nous avons peur de souffrir.

Cette peur de la souffrance peut même surpasser la peur de mourir.

Certaines personnes préfèrent mettre fin à leur vie par le suicide plutôt que de ressentir cette souffrance. Peu d’entre nous iront jusqu'à cet extrême. Mais se pourrait-il, sans que je m’en rende compte, que je sois en train de mourir à petit feu ? Lorsque nous renonçons à nos émotions, c'est ce qui arrive.

Qu’est-ce que la vie ? Je ne pose pas la question dans un sens philosophique, mais simplement au sens littéral. Comment définissez-vous un corps en vie ou non ? Eh bien, sans être médecin, nous avons en général tous le même réflexe pour identifier un corps vivant ou non. Nous observons qu'il bouge. On associe le mouvement à la vie, et l’immobile à la mort ou à un objet. La racine du mot émotion vient du latin e movere, qui signifie en mouvement. Les émotions nous font vibrer, elles nous animent de l’intérieur et elles sont le moteur de chacune de nos actions.

Il n’y a pas d’action sans émotions. C’est une énergie en nous qui circule dans notre corps tout entier. Les émotions, c’est la vie.

On comprend déjà une chose concernant la déconnexion émotionnelle : elle n’est jamais complète. Sinon, nous serions morts. Nous parlons ici de déconnexion partielle, à des degrés différents selon les personnes. Il est intéressant de noter que c'est une émotion, à savoir la peur, qui nous pousse à faire cette déconnexion.

Voici comment une intelligence artificielle gérerait l’arrivée d’une émotion désagréable : « Je sens une nouvelle émotion arriver en moi. Je l’identifie. Il s’agit de la tristesse. Je sens cette tristesse envahir tout mon corps. Je patiente jusqu'à la fin du processus. Programme de la tristesse terminé à 100%. Je suis heureux. »

Mais chez un être humain, on est d’accord, ça ne se passe jamais comme ça. Chez l’humain, c'est plutôt : « Je crois que je ne me sens pas bien, mais je n'ai pas envie d’aller mal, je veux être bien. Non, je ne suis pas triste. Je vais me changer les idées en allant regarder un film et en mangeant de la glace. Je suis heureux, si c’est vrai (non). »

L’humain est un professionnel de l’auto-mensonge : le déni. On passe notre temps à nous mentir à nous-même pour fuir la réalité.

On ferme les yeux pour voir ce que l'on veut. Et on va échafauder des tas de pensées pour nous convaincre d’être dans le réel.

Quand on analyse les choses de cette manière, on comprend bien que ce fonctionnement n’a aucune logique.

On préfère fermer les yeux sur la réalité, quitte à vivre dans un rêve, juste pour éviter de souffrir. Ce n’est pas logique, c’est humain.

Nous avons tellement peur, peur de tant de choses, que nous fuyons notre vie, pour petit à petit mourir. Mais paradoxalement, nous avons aussi peur de la mort. L’humain est si complexe…

Il y a déjà une chose importante à retenir sur les émotions. Elles ne tuent pas ! Certes, c’est très inconfortable de souffrir, je vous l’accorde, mais cela ne tue personne. En revanche, se déconnecter de ses émotions, ça vous tuera sur le long terme. Alors oui, soyons déjà raisonnables. Vos émotions ne sont pas votre ennemie ! Bien au contraire, c’est un allié indispensable.

Ensuite, vous pouvez faire de la prévention. Pour qu’un bâtiment soit aux normes, on met en place tout un système de prévention anti-incendie afin d’éviter un feu, et si jamais cela arrivait, ce système doit le détecter et le canaliser au plus vite avant que tout le bâtiment prenne feu. Nous pouvons faire la même chose pour la déconnexion émotionnelle.

Prenez déjà conscience de cette réalité : la question n’est pas est-ce que ça va arriver, mais quand ça va arriver ? Alors, nous pouvons identifier des red flags (littéralement drapeau rouge, c’est-à-dire pour identifier un danger). Nous allons discerner quels sont nos symptômes quand nous commençons à nous déconnecter émotionnellement. Il vaut mieux se dresser sa liste personnelle, car nous n’avons pas forcément tous les mêmes symptômes. Mais je vais vous partager les miens, ça vous donnera des idées.

Mes red flags :

🚩 Besoin de sucre très fort (chocolat, glace, cookies).

🚩 Désordre dans mon appartement, à commencer par ma vaisselle.

🚩 Messagerie remplie de messages non lus.

🚩 Peu, voire aucune, initiative pour faire des activités sociales.

🚩 Difficulté à m’endormir tôt et me réveiller tôt.

🚩 Besoin de regarder beaucoup de films et de séries.

🚩 Manque de motivation à pratiquer du sport.

🚩 Envie de rester à la maison sous la couette.

🚩 Tensions dans la nuque et les épaules.

🚩 Peu, voire aucune, introspection et auto-thérapie.

La liste n’est pas exhaustive, mais vous avez compris l’idée. Avez-vous remarqué le point commun dans ces différents points ?

Les tendances addictives se font beaucoup plus fortes lorsque nous entrons en déconnexion émotionnelle.

L’addiction stimule le circuit du plaisir dans le cerveau. L’addiction nous donne un plaisir immédiat, mais qui ne dure pas, il faut donc reproduire l’action qui nous procure ce plaisir sans arrêt pour continuer de le ressentir.

Mais pourquoi y a-t-il une recherche du plaisir plus intense tout d’un coup ?

Les émotions fonctionnent comme un package. On ne peut pas prendre ce qui nous arrange et laisser le reste.

Si on se déconnecte émotionnellement, on se débranche du tout. Le plaisir étant aussi une émotion, autant que le déplaisir, alors nous allons commencer à perdre le plaisir dans notre vie.

Sur le long terme, une personne en déconnexion émotionnelle va vivre sa vie de façon très routinière, voire robotique. Elle se dit sans arrêt « je dois faire ça, je dois faire si, allez encore un effort ». Elle doit « se tirer » pour chaque activité, car la motivation est en baisse. S’il n’y a pas de plaisir, alors il n’y a pas de motivation, et donc pas d’énergie pour faire les choses. Petit à petit, elle perd même le plaisir pour des activités qui lui procureraient du plaisir auparavant. Chaque jour devient très répétitif, lassant, platonique. Et finalement, la vie perd de ses saveurs, on perd le goût de la vie. Sans plaisir, nos actions perdent de leur sens. Et on finit par se sentir complètement vidé, mort à l’intérieur.

Pour essayer de compenser cela, le cerveau émotionnel, qui est chargé de notre survie, va stimuler le comportement addictif afin de compenser la perte du plaisir durable et global par le plaisir immédiat. L’addiction aura l’effet d’une « anesthésie émotionnelle », un « Doliprane ». Mais c’est un cercle vicieux, plus le temps passe et plus, il faudra avoir d’addictions, et ça sera de plus en plus difficile de s’en sortir. Voilà pourquoi il faut identifier ses red flags dès maintenant afin d’agir au plus vite en cas de déconnexion émotionnelle.

Les personnes ayant tendance à être naturellement dans le profil émotionnel contrôlé auront plus tendance à la déconnexion émotionnelle. Toutefois, même les profils hypersensibles pourront parfois être en déconnexion émotionnelle.

Je vous recommande un outil très utile. Il s’agit de l’application Jardin mental, disponible sur l’App Store et Google Play gratuitement. Son utilisation est très simple. Elle a pour but de vous aider à renseigner chaque jour votre état émotionnel et physique. Vous pouvez la personnaliser en mettant vos red flags afin de les identifier le plus tôt possible.

Un autre avantage de cette application est qu’elle vous permet de faire une analyse de votre mois pour comprendre ce qui a pu déclencher certaines émotions. Vous pouvez aussi envoyer vos résultats des 30 derniers jours à votre thérapeute si vous le souhaitez.

Voici le lien de téléchargement de l’application : jardinmental.fabrique.social.gouv.fr

Que faire quand on a identifié que l’on commence à se déconnecter émotionnellement ? C’est le moment délicat. Il n’y a rien de magique. C’est le moment d’affronter la réalité. Vous pouvez commencer par une séance d’auto-thérapie (je donne un protocole précis à mes consultants). Mais si vous voyez que ça résiste, ou bien que vous-même, vous n’arrivez tout simplement pas à trouver le temps nécessaire, alors n’attendez pas avant de prendre RDV chez votre thérapeute. Soyez modeste, acceptez l’aide extérieure. Même si c’est à vous d’affronter votre douleur, c’est toujours plus facile quand on se sent soutenu et accompagné dans cette démarche.

Le résultat sera d’abord un moment difficile en acceptant vos émotions douloureuses, mais une fois le processus de guérison émotionnelle terminé, vous ressentirez un bien-être, un apaisement général, et la vie reprendra de ses couleurs !

Alors, arrêtez de survivre, reconnectez-vous à vous-même et profitez de la vie ! Profitez de la nature verdoyante, de la chaleur du soleil, des arbres majestueux, du chant des oiseaux, du rire des bébés, du sourire des enfants, de la beauté de l’art, savourez chaque journée intensément. Soyez vivants !

Pour en savoir plus sur la gestion de ses émotions, je vous recommande un podcast très bien conçu sur le sujet : Change ma vie, de Clotilde Dusoulier. Voici le lien d’accès : changemavie.com/podcast