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AVEZ-VOUS déjà oublié quelque chose ? Bien sûr ! Nous pouvons oublier la date de naissance de notre femme, le nom de notre professeur d'histoire-géo au collège, et bien d'autres choses. Cependant, est-il possible d'oublier un souvenir traumatisant ? Cela peut sembler compliqué à comprendre, mais pour vous aider à saisir, je vais partager mon expérience personnelle à ce sujet.
J'avais 21 ans quand j'ai rencontré ma nouvelle thérapeute. J'étais intrigué par la technique qu'elle utilisait, une sorte de kinésiologie revisitée. En bref, elle pouvait tester ma réponse musculaire en stimulant des points précis du crâne avec des acupressions. Je me souviens d'être allongé sur le canapé pendant qu'elle effectuait ses manipulations, et à ce moment-là, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. À la fin de la séance, elle me donne ses conclusions : « Gautier, je pense que tu as été abusé sexuellement de 2 ans à 8 ans ».
Je me rappelle que, sur le moment, cette phrase ne m’a fait ni chaud ni froid. Je suis allé dans un café et j’ai profité du reste de la soirée en savourant un bon expresso. Pour moi, c’était comme si elle parlait de quelqu’un d’autre ; je ne me sentais tout simplement pas concerné (principe de la dissociation).
Le lendemain après-midi, j’ai rejoint des amis. À la même heure que la séance de la veille, j’ai commencé à me sentir très mal. Je sentais ma respiration s’accélérer, mes jambes tremblaient, j’avais des bouffées de chaleur, et j’avais besoin de prendre l’air. J’ai pris ma voiture et j’ai roulé, roulé, roulé, sans destination en tête. Je me sentais de plus en plus mal. Je suis arrivé devant un champ, je me suis arrêté sur le bas-côté, et je suis sorti de la voiture. Je crois avoir crié à ce moment, et je me souviens aussi avoir beaucoup pleuré.
D’un coup, la souffrance remontait du plus profond de moi. J’ai su à ce moment précis que tout ça était vrai, j’étais obligé d’admettre la réalité. Depuis quelque temps, je commençais à me douter, ou au moins à admettre qu’il était possible que ce soit arrivé, mais là, je n’avais plus aucun doute. Pourtant, je n’avais encore aucun souvenir précis, juste cette émotion étrange, mais puissante. C’était comme si une rage sortait de mes entrailles.
La semaine suivante, des amis m’ont amené avec eux en vacances pour me changer les idées. J’ai ressenti une sensation que je n’avais encore jamais éprouvée. Pendant une semaine, j'étais comme mort à l’intérieur. Je ne ressentais absolument plus rien : ni joie, ni tristesse, ni plaisir, ni douleur, ni froid, ni chaud. Je faisais les choses machinalement, j’étais déconnecté émotionnellement.
Puis, petit à petit, j’ai commencé à me reconnecter en douceur à mes émotions. Je suis tombé dans une phase dépressive qui a duré quelques mois. Je me souviens aussi que les souvenirs avaient du mal à revenir. Mais je voulais savoir, je voulais savoir tout ce qui s’était passé. Je me suis alors posé sur mon lit, j’ai fermé les yeux, et j’ai attendu que les images reviennent.
Au début, c’était très saccadé. Mais petit à petit, c’est comme un puzzle qui se formait dans ma tête, et le film devient de plus en plus clair au bout de quelques mois.
Un an et demi plus tard, je rentrais de la plage tout seul. Je marchais tranquillement, tout allait bien, et d’un coup un éclair me traversa le corps. Je voyais des images rouges, mais sans vraiment bien comprendre, c’était comme des flashes.
Puis, dans les jours qui ont suivi, les images sont devenues plus claires, et j’ai compris qu’un nouvel abus venait de remonter à la surface. Heureusement, la digestion émotionnelle fut plus rapide et moins intense que la première fois.
Et comme le dirait une campagne publicitaire : « Et c'est pas fini ! ». Exactement quatre ans après la découverte des premiers abus, j’ai découvert encore de nouveaux abus lors d’une séance de thérapie. Ça a été aussi difficile à digérer, ce genre de blessures met beaucoup de temps à guérir. Je ne vous cache pas que c’est très étrange de prendre conscience d’un souvenir complètement oublié.
Il n’y a qu'en étant dans la réalité de son histoire que nous pouvons guérir.
Pendant un temps, on peut avoir des souvenirs qui remontent, tout en y restant dissocié, comme si cela ne nous appartenait pas, ou que c’était juste un cauchemar. Il faut un certain temps pour accepter la réalité.
Parfois, la réalité est tellement dure que notre cerveau nous protége pour éviter d’affronter cette douleur.
Faisons un récapitulatif de ces stratégies :
L’amnésie dissociative : j’oublie entièrement ou partiellement mon souvenir. Cela devient une zone de flou dans mon passé. Je peux avoir conscience ou non de cette zone de flou.
La dissociation : je me sépare d’une partie de moi, je me désidentifie de mon souvenir, par exemple, « ça ne m’appartient pas ». Je peux même vivre en direct une situation difficile en étant dissocié : je vis la situation d’un point de vue extérieur, à la 3ᵉ personne, comme si ça arrivait à quelqu’un d’autre.
La déconnexion émotionnelle : c’est une forme de dissociation, c’est même la plus courante. Je refoule mes émotions, ma douleur émotionnelle, je me coupe de mes ressentis.
À long terme, je finis par être comme un robot, je fais les choses machinalement, et ma vie perd de sa saveur. Je n’éprouve plus de plaisir à rien, je suis comme mort à l’intérieur. Bien sûr, il y a plusieurs degrés de déconnexion émotionnelle.
Ces stratégies ont toutes le même objectif : me protéger de la douleur émotionnelle. Tout comme pour la douleur physique, je vais m’évanouir à un certain degré de douleur ; de même, je vais me couper de cette douleur émotionnelle quand elle est trop forte. C’est comme un disjoncteur électrique qui coupe le circuit en cas de trop forte intensité électrique pour protéger l’installation.
En conclusion, oui, nous pouvons oublier des souvenirs traumatisants. Cela arrive beaucoup plus fréquemment que vous ne le pensez. Et pendant un temps, il peut n’y avoir aucune trace de ce souvenir, et pourtant, il peut revenir comme un boomerang. Soyez sûr que de toute manière, avec ou sans thérapie, un jour, cela finira par ressortir. Et si ce n’est pas dans le cadre de la thérapie, cela pourra vous tomber dessus à n’importe quel moment.
D’un autre côté, si le cerveau estime que nous ne sommes pas encore prêts à recevoir l’information et les émotions associées, personne ne pourra nous forcer à faire remonter un souvenir oublié. C’est à vous de choisir quand effectuer ce travail.
Pour en savoir plus, je vous recommande cet épisode de podcast où un journaliste raconte comment il a retrouvé ses souvenirs oubliés avec les psychédéliques. Écouter l'épisode sur Spotify.
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